Un confrère octogénaire me confiait dernièrement: «J’ai peur de perdre la foi.» Et le vénérable d’ajouter: «Je voudrais que Dieu intervienne dans le conflit entre l’Iraq et les États-Unis. Je ne veux pas qu’il laisse tuer des enfants, des femmes, des vieillards qui n’en ont rien à foutre dans cette connerie! Pourquoi Dieu n’intervient-il pas? Il ne nous aide pas à croire en lui.»
Le silence de Dieu nous étonne. Sa non-intervention apparaît inacceptable aux yeux de certains, de plusieurs même. Pour des incroyants, il s’agit là d’une preuve irréfutable que Dieu n’existe pas.
Jésus a guéri des malades. Il a ressuscité Lazare, la fille de Jaïre. Il a libéré des possédés. Il a donné des yeux à des aveugles. Il a fait parler des muets. Il a annoncé une bonne nouvelle aux pauvres.
Mais il n’a pas changé les pierres en pains quand il avait faim au désert. Dieu n’est pas intervenu quand, à la synagogue, les juifs ont voulu s’emparer de Jésus pour le lapider. Dieu n’a pas arrêté Judas quand celui-ci a trahi. Ni empêché Pierre de renier. Ni retenu les grands-prêtres de juger le Seigneur. Ni donner des couilles à Pilate pour qu’il ne condamne pas. Jésus est mort sans que Dieu vole à son secours alors qu’il criait: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?»
«Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse; mais nous, nous prêchons un messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.» (1 Corinthiens 1, 22-25)
Silence de Dieu! Absence! Discrétion! Trop grande discrétion? Peut-être. UAbsence de Dieu et présence tout à la fois. Il y a là tout un paradoxe. L’action de Dieu nous apparaît toujours paradoxale. Sans doute parce que nous voudrions qu’il intervienne sans nous. Pouvons-nous demander à Dieu d’intervenir à notre place quand il nous revient de gérer l’univers? «Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la.» (Genèse 1, 28) Dieu nous a confié la gérance de la planète. Il nous revient d’y établir la paix, la fraternité, l’harmonie entre les peuples. Nous sommes pourvus de talents, d’habiletés, d’aspirations pour que nous puissions nous rendre de plus en plus humains. Nous pouvons réparer nous-mêmes nos gaffes et nos erreurs. Nous pouvons dépasser nos immaturités personnelles et collectives.
Dieu ne viendra jamais faire à notre place ce qui relève de notre responsabilité. Il a trop de respect pour ce que nous sommes. «Sagesse de Dieu, mystérieuse et demeurée cachée, que Dieu, avant les siècles, avait d’avance destinée à notre gloire.» (1 Corinthiens 2, 7).