Un vieux proverbe croit que le silence est d’or et la parole d’argent. Selon lui, il vaut mieux se taire. Il vaut mieux écouter. Le silence conduit à l’intériorité, à l’attention. Les choses et les événements prennent du poids, de la densité, quand ils sont contemplés dans le silence du coeur.
Mais la parole ne manque pas de dignité, elle aussi. Ne nous définit-elle pas? N’est-ce pas elle qui nous fait nous reconnaître comme des êtres humains? Le philosophe Martin Heidegger écrivait: «[L’homme est] le vivant capable de parole. Cette affirmation ne signifie pas seulement qu’à côté d’autres facultés, l’homme possède aussi celle de parler. Elle veut dire que c’est bien la parole qui rend l’homme capable d’être le vivant qu’il est en tant qu’homme. L’homme est homme en tant qu’il est celui qui parle.» (Acheminement vers la parole, Paris, Gallimard, 1976, p. 13)
Êtres de parole, nous communiquons par ces signes merveilleux que sont les mots. Avec eux, nous nommons les choses. Avec eux, nous réfléchissons sur la vie, sur les événements qui composent nos histoires personnelles et collectives. Avec eux, nous entrons en relation les uns avec les autres. Notre communication devient dialogue, échange d’idées, partage de sentiments, expression d’émotions. C’est avec la parole que nous révélons nos secrets les plus cachés.
La parole nous lie les uns aux autres. Nous mettons les mots ensemble et, du même coup, nous rapprochons les idées, nous nous rapprochons nous-mêmes les uns des autres. Prendre la parole peut vouloir dire: prendre le pouvoir, maîtriser, contrôler… Cela peut vouloir dire aussi: rejoindre quelqu’un, attirer son attention, le saluer, le reconnaître devant soi, pour soi, avec soi.
Si nous prenons souvent la parole, il nous arrive aussi de la donner. Nous promettons. Nous engageons l’avenir en donnant notre parole. Parole que nous voulons vraie, sincère, honnête. Parole soudée à de grandes valeurs comme autant de caractéristiques de ce que nous croyons et voulons être.
Quand nous donnons notre parole, il nous arrive de la prononcer en engageant Dieu. Nous faisons serment la main sur la Bible. Nous donnons à notre parole le poids de celle de Dieu. Nous la voulons sacrée comme celle de Dieu. Nous la donnons comme si Dieu la donnait lui-même. Parole précieuse que nous ne voulons pas reprendre, que nous ne voulons pas nier ni renier.
La parole nous habite et nous marque d’autant plus que Dieu a choisi de communiquer avec nous par ce moyen. Dieu dit d’un bout à l’autre de l’histoire humaine. Dieu se fait parole «au commencement, maintenant et toujours». Dieu se fait dialogue et alliance. Il parle nos dialectes et nos langues. il communique à même nos paroles. Paroles humaines devenues paroles divines. Paroles en forme de déclarations d’amour et d’appels à la rencontre et à la communion. Il y aurait tant à dire sur la parole, surtout quand elle est prononcée par Dieu. Je murmurerai donc le nom de Dieu comme on chuchote un nom aimé. Je lancerai mon appel, confiant que Dieu répondra. De son silence naîtra alors un mot, une phrase, la musique de son Verbe quand il se fait chair et habite notre communication.
Le silence est d’or, la parole est d’argent, annonce le proverbe. L’affirmation de ce proverbe est-il vraiment juste? La parole n’est-elle pas chair et esprit, plus précieuse que tous les métaux, palpitante de vie, humaine et divine tout à la fois quand Dieu entre en alliance avec nous?
la pensée est avant la parole ,et la parole dénature la pensée. Croire qu’on peut trouver le mot le plus juste pour exprimer la pensée subtile est un leurre ,car aucun vocabulaire n’est suffisant pour exprimer toutes les pensées;les plus grossières certes,mais s’arrête -là ,ce qui peut être dit de manière intelligible et compréhensible.