On a tout dit et on va encore tout dire, tout répéter, à propos de ce qui se prépare en Iraq et aux alentours. Les analystes pèsent les éléments de la question. Les chefs d’État palabrent. L’ONU discute. Les enquêteurs cherchent. Les journalistes jonglent avec les faits. Les pacifistes manifestent. Et le commun des mortels s’inquiète. Une grande partie du globe terrestre est sur le qui-vive.
Que va-t-il se passer? On veut tout: le désarmement, la guerre, l’exil, la mort de l’ennemi, la levée de l’embargo, la fin des hostilités, le règlement du conflit, et même la réconciliation… Tous les ingrédients sont sur la table. Il faut choisir.
Le pire: il est impossible de choisir en toute objectivité. Les diplomates font des arabesques de plus en plus compliquées pour exprimer des prises de position qui tiennent compte de tous les facteurs. Mais personne n’est vraiment neutre. Chacun a sa petite idée ou sa grande… Et ses intérêts aussi. Il y a beaucoup d’intérêts dans cette affaire.
Et Caïn continue de poser sa fatidique question: «Suis-je le gardien de mon frère?» (Genèse 4, 9) Dois-je défendre à tout prix? Dois-je protéger? Pourquoi pas: chacun pour soi? Pourquoi pas: chacun dans sa cour avec ses jouets personnels?
Autre question tout aussi tranchante: quand je parle de frère, à qui est-ce que je pense? Même Jésus a posé la question. Un jour que la famille s’est pointée pour le rencontrer, il a fait bifurquer ses parentés: «Qui sont mes frères?» (Marc 3, 33) Et il en a nommé d’autres…
La ligne de partage entre nos solidarités et nos distances n’est pas facile à tracer. Pouvons-nous tirer une ligne? Est-ce bien de le faire? Devons-nous le faire? Choisir, est-ce toujours exclure? Aimer quelqu’un suppose-t-il qu’il faille haïr les autres?
Une chose me plaît dans toute cette affaire: le peuple ne marche pas les yeux fermés. La base discute, se sent responsable, prend position. Grâce aux médias, nous sommes informés sur ce qui se passe et même sur ce qui ne se passe pas. L’information n’est peut-être pas entièrement juste, toujours objective et complète. Il est possible cependant de vérifier, de consulter, de clarifier. Nous pouvons nous faire une opinion. Et une opinion pas trop mauvaise.
Grâce aux informations, la base s’exprime. Elle laisse faire de moins en moins. Elle se mobilise. Elle assume un certain leadership. Elle influence les décideurs qui modifient les décisions, nuancent leurs prises de position, parfois changent d’idée.
Le pouvoir est en train de se partager autrement dans nos sociétés occidentales. Ou du moins, il en a tendance. Si certaines décisions relèvent de ceux qui gouvernent, d’autres appartiennent à l’ensemble des citoyens et des citoyennes. La base a longtemps été perçue comme une masse indifférente et indifférenciée, un peuple sans compétence, donc un peuple à garder loin des enjeux et des orientations de l’état. Aujourd’hui, de plus en plus, le peuple réagit avec intelligence. Il intervient plus souvent et plus souvent en connaissance de cause.
Nous traversons une période difficile de notre histoire. Le tableau est sombre, mais il laisse paraître quelques traits de lumière.