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L’abondance

Imprimer Par Paul-André Giguère

J’ai appris très tôt le mot « abondance », qui n’est pourtant pas courant. Enfant, je raffolais de cette pâtisserie qu’on appelle « corne d’abondance » : un gros rouleau de pâte feuilletée rempli, que dis-je, débordant de crème fouettée ! Plus tard j’ai découvert que cette corne peut aussi déverser des fruits ou des fleurs. J’ai observé qu’à sa base, elle est étroite et resserrée, mais qu’elle se déploie dans un mouvement d’ouverture et d’élargissement. Bref, c’est toute ma vie que j’ai su que l’abondance était bonne pour les humains et que la disette était pour eux un malheur.

Et je me dis l’importance, pour les personnes engagées dans la quête spirituelle, de croire en l’abondance. L’objet de leur soif et de leur recherche ne doit-il pas être à la mesure de leur désir ? Infini ?

Cette conviction se heurte toutefois à un solide préjugé. Il est en effet notoire que les différentes religions et les traditions spirituelles parlent toutes plutôt de renoncement, d’ascèse, de privation et de dépouillement. Le jeûne n’est-il pas fortement recommandé par pratiquement tous les maîtres spirituels ?

Le danger, ici, c’est de confondre la fin et les moyens. L’austérité joue un rôle pédagogique irremplaçable. Faire l’expérience de restrictions dépouille de l’illusion que la vie et le bonheur dépendent de ce que nous possédons et consommons. Faire l’expérience du manque révèle le caractère tout relatif de toutes les réalités auxquelles la société confère un caractère absolu, avec notre complicité d’ailleurs. Il est absolument nécessaire de connaître l’insatisfaction pour apprendre à reconnaître ce qui est vraiment essentiel.

Jésus présente à ce sujet une image assez fréquente dans la tradition juive. « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite… car oui, étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie » (Luc 13,24; Matthieu 7,14). Comme la corne dans sa partie étroite. Une grande révélation est réservée à qui consent à passer par cette porte étroite de la vie : c’est celle de la surabondance de la joie imprenable, de l’être toujours donné et reçu, de la vie dans toute sa force et sa simplicité. Voilà où conduit toute recherche spirituelle menée à son terme, et c’est bien ce dont parle le Christ quand il dit : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10,10). Les personnes très dépouillées sont souvent les témoins les plus éloquents de l’abondance de la vie intérieure.

Tout ce mois de décembre est placé sous le signe de l’abondance. On peut peut-être déplorer la commercialisation à outrance de la préparation à Noël, mais attention de ne pas s’en prendre à l’abondance. À la générosité. À la libéralité. À la largesse. Au don excessif. Noël est la célébration de l’abondance promise, mieux, de l’abondance reçue. Pour les chrétiens, Noël est la fête de la grâce surabondante, qui dépasse tout ce dont nous aurions pu rêver, tout ce que nous pouvons imaginer. Ne serait-ce pas le sens profond de nos petites ou nos grandes folies et de nos dépenses un peu extravagantes ? La vie et l’amour sont faits pour déborder comme la crème de la corne d’abondance. C’est-à-dire pour être donnés et partagés entre tous.

Il est bien connu que c’est souvent dans les moments de très grande pénurie que les gens mettent en commun le peu qu’ils ont. Pourquoi la période qui précède Noël ne serait-elle pas comme une école où nous apprendrions à mettre en commun aussi notre abondance ? Comme une sorte de prédication discrète de l’abondance de Dieu ?

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