On demande des sauveurs
Étant sorti, Jésus vit en passant un homme assis au bureau de la douane. Son nom était Matthieu. Il lui dit : Suis-moi ! Se levant, l’homme le suivit. Comme il était à table dans la maison, beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent se mettre à table avec Jésus et ses disciples. Ce qu’ayant vu, les Pharisiens disaient à ses disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? Mais Jésus, qui avait tout entendu, répliqua : Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez donc apprendre le sens de cette parole : C’est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs.
Commentaire :
Quelques mots pour bien situer l’évangile de ce dimanche. Après le Sermon sur la montagne (5-7), saint Matthieu rassemble dix récits de miracles (8-9). En d’autres termes, suite au Jésus Messie de la Parole, voici présenté le Messie de l’action. L’évangéliste termine sa présentation comme il l’avait commencé (4 : 23 ) : Et Jésus parcourait toutes les villes et les bourgades, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur. Ce cycle des miracles en Matthieu, (8-9) se divise en trois parties dont la dernière (9 : 1-38) qui inclut l’évangile de ce dimanche, a pour thème la puissance du Fils de Dieu sur le péché et la manifestation de sa miséricorde.
Le récit
Se rendant de la mer à sa maison de Capharnaüm, Jésus voit un publicain qu’il invite à le suivre, ce que ce dernier fait sans la moindre hésitation. Son nom ? Marc l’identifie comme Lévi, fils d’Alphée. (Mc.2 : 13) Faut-il croire que l’auteur inconnu de notre évangile avait une grande dévotion pour l’apôtre Matthieu, ce qui expliquerait le changement de nom ? Quoiqu’il en soit, l’appelé deviendra l’archétype même de ceux et celles que Jésus invite et qui se mettent inconditionnellement à la suite du Maître.
La suite de l’histoire se déroule autour de la table, lieu de prédilection de la miséricorde divine : la rencontre avec Marie de Magdala, le souper chez Zachée et la dernière Cène. Jésus s’entoure de tout ce que le monde des Pharisiens juifs traitait avec mépris : les pécheurs et particulièrement les publicains, la lie du peuple. Au lieu de poser directement la question à Jésus, les Pharisiens interrogent ses disciples : Pourquoi votre Maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? Mais Jésus lui-même, le Maître responsable de formation, donne la réponse, le Maître chargé d’instruire par la parole et l’action, le Maître dont les actes concordent avec les paroles contrairement aux Pharisiens et aux scribes qui disent et ne font pas . (Mt. 23 : 3) Pour Jésus, parole et action ne font qu’un. (5 : 19; 7 : 21-27)
Ce ne sont pas les bien portants mais les malades qui ont besoin du médecin, répond Jésus, justifiant ainsi par sa parole les actes qu’il pose : guérison des malades et pardon accordé aux pécheurs. Et il insiste : Allez ! Apprenez ce que signifie cette parole : c’est la miséricorde que je désire et non le sacrifice… Cette volonté divine révélée par les prophètes (Osée 6 : 6 et autres) définit la raison d’être de Jésus parmi nous, et demeure un exemple pour chacun. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. Pour les Juifs, particulièrement les Pharisiens, fréquenter les pécheurs était se rendre impur aux yeux de la Loi ; Jésus renverse alors les perspectives. Dans le sermon sur la Montagne, déjà, il avait enseigné : Pour toi, quand tu veux présenter ton offrande à l’autel, si tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse-là ton offrande et va d’abord te réconcilier. (5 : 23) Qui ne se soumet pas à cette directive sera considéré comme hypocrite : Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi. (15 : 7-9) En une autre circonstance, Jésus déclare : Si vous aviez compris le sens de cette parole : c’est la miséricorde que je désire… vous n’auriez pas condamné des gens qui sont sans faute. (Mt. 12 :6) La miséricorde, le premier commandement, expression même de la volonté de Dieu qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes. (5 : 45). C’est ainsi que l’évangéliste Matthieu révèle le perfection de Dieu et donne la vraie mesure de la sainteté : Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. (5 : 48)
Le droit de Dieu
Que Le droit de Dieu éclate comme la lumière avait proclamé le prophète. (Osée : 5) Jésus est certes celui qui mène ce droit de Dieu au triomphe (Is.3 : 16 et Mat.12 : 20) . C’est la volonté de Dieu, dont la divinité se révèle à travers la miséricorde, et non l’engagement social, qui dirige Jésus. Bien mal éclairé qui oserait y voir une quelconque théologie de la révolution. La conduite de Jésus chez Lévi Matthieu et son repas avec les publicains ne signifient nullement de sa part un parti pris en faveur des petits, des déshérités. Les publicains, il est vrai, étaient à la solde des Romains chargés de recueillir les impôts, mais leur état social n’était nullement à plaindre. Jésus tente de faire éclater les frontières en se mêlant à ceux que la société juive du temps marginalisait souverainement. D’ailleurs, le groupe de Jésus, pour ne point dire la gang à Jésus, était constitué de tous ceux qu’il appelle et qu’il unit pour un seul et unique ministère, celui de la tendresse et de la miséricorde.
Qui peut alors, en raison d’un quelconque passé se dire sinon rejeté, du moins non appelé par le Maître. La moisson est grande et les ouvriers peu nombreux. Priez!.. Allez je vous envoie ! Que le Maître appelle tôt le matin ou tard le soir, il est toujours temps de répondre à l’embauche même si elle nous paraît improvisée, inexplicable. (Mat.20) Dieu a voulu avoir besoin de nous. Qui peut résister à son appel alors que tant des nôtres espèrent croiser un sauveur sur leurs chemins !