Née à Tours (France), elle épouse, à 17 ans, Claude Martin, négociant en soie. A 19 ans, elle devient veuve. Elle commence alors à être favorisée de grâces mystiques qui intensifient son union à Dieu, tout en déployant une activité intense dans l’entreprise de son beau-père. En 1631, Marie entre au monastère des Ursulines de Tours et confie la garde et l’éducation de son fils Claude à sa sour. En 1639, elle peut répondre à sa vocation pour le Canada et s’embarque pour une fondation des Ursulines en Nouvelle-France . Elle se dépense sans compter pour la fondation et l’éducation et la catéchisation des fillettes, françaises et autochtones, qui lui sont confiées. Elle meurt le 30 avril 1672 à Québec. Elle est déclarée bienheureuse le 22 juin l980. Par la qualité mystique des ses écrits (autobiographie, instructions, lettres, catéchismes, prières), elle a sa place parmi les maîtres de vie spirituelle.
Dès que la divine Majesté m’eut communiqué le don de l’oraison, il me donna ensemble la grâce de sa sainte présence: ce qui était ce qui me soutenait et établissait en un colloque continuel avec Notre-Seigneur, lequel, quoique intérieurement ce fût en tant que Dieu-Homme, mon imagination ne faisait aucune réflexion, mais tout se passait dans l’entendement et la volonté spirituellement, avec une grande pureté. J’avais quelquefois un sentiment intérieur que Notre-Seigneur Jésus-Christ était proche de moi, à mon côté, lequel m’accompagnait. Cette présence et compagnie m’étaient si suaves et étaient une chose si divine que je ne pouvais dire la manière comme cela était. En cet état tout ce qui se passe en l’âme est plus spirituel et abstrait.
Dieu fait expérimenter à l’âme qu’il la veut tirer du soutien de ce qui est corporel, pour la mettre dans un état plus détaché, et dans une pureté par où elle n’a pas encore passé; qu’elle a été soutenue en quelque manière par les sens, qui étaient remplis de l’exubérance qui rejaillissait de l’Humanité sainte de Notre-Seigneur. Et en effet, elle avait, en jouissant de sa présence, l’expérience de sa douceur qui lui faisait dire: Votre nom est comme un onguent répandu; pour ce, les jeunes filles vous ont grandement aimé. Elle ont sauté et tressailli de joie en savourant mamelles. Or, ç’ont été les puissances de l’âme et tout ce qui est de la partie sensitive qui, dans ces douces approches, ont été en des jubilations plus suaves que toute suavité, qui lui ont fait couler des larmes immenses qui lui étaient plus précieuses que tous les trésors imaginables, que si elle eût possédés, elle les eût donnés pour les acheter, et après tout, elle eût confessé qu’elle les eût eues à vil prix.
Comme j’ai dit, l’âme se sentant appelée à choses plus épurées, ne sait où l’on la veut mener. Quoiqu’elle ait une tendance à choses qu’elle ne connaît pas encore ni qu’elle ne peut concevoir, elle s’abandonne, ne voulant rien suivre que le chemin que Celui à qui elle tend avec tant d’ardeur lui fera tenir. On lui ouvre l’esprit de nouveau pour la faire entrer en un état comme de lumière. Dieu lui fait voir qu’il est comme une grande mer, laquelle, tout ainsi que la mer élémentaire ne peut souffrir rien d’impur, aussi que lui, Dieu de pureté infinie, ne veut et ne peut souffrir rien d’impur, qu’il rejette toutes les âmes mortes, lâches et impures.
Cette lumière opère choses grandes en l’âme. Il faut avouer que, quand j’eusse fait l’imaginable pour confesser et anéantir tout ce que j’avais d’impur en moi, que je vis en une si grande disproportion de la pureté de l’esprit humain pour entrer en union et communication avec la divine Majesté, que cela est épouvantable. O mon Dieu ! qu’il y a d’impuretés à purger pour arriver à ce terme auquel l’âme, esquillonnée de l’amour de son souverain et unique Bien, a une tendance si ardente et si continuelle ! Cela n’est pas imaginable, non plus que l’importance de la pureté de cour en toutes les opérations intérieures et extérieures qui est requise, car l’Esprit de Dieu est un senseur inexorable et, après tout, l’état dont je parle n’est que le premier pas, et l’âme qui y est arrivée en peut déchoir en un moment. Je frémis quand j’y pense, et combien il importe d’être fidèle.
Il est vrai que la créature ne peut rien de soi; mais lorsque Dieu l’appelle à ce genre de vie intérieure, la correspondance est absolument requise avec l’abandon de tout soi-même à la divine Providence, supposée la conduite d’un directeur, duquel elle doit suivre les ordres à l’aveugle, pourvu que ce soit un homme de bien: ce qui est bien aisé à reconnaître, car Notre-Seigneur en pourvoit lui-même ces âmes-là qui se sont ainsi abandonnées de bon cour à sa conduite. Ah ! mon Dieu, que je voudrais publier bien haut, si j’en étais capable, l’importance de ce point. Il conduit l’âme à la vraie simplicité qui fait les saints. J’ai voulu quelquefois inculquer à des novices, avec qui j’avais à converser, ce point, afin de les rendre simples et candides, ne voyant rien qui les pût avancer ni disposer davantage à de grandes grâces, et enfin dans les voies de Dieu.