L’ancienne présidente d’ATD-Quart-Monde, Geneviève de Gaule-Anthonioz a dit: Nous avons connu deux totalitarismes dans ce siècle, le nazisme et le communisme. On est en train d’installer celui de l’argent. C’est vrai que l’argent prend de plus en plus de place dans nos vies. L’argent que nous possédons et celui qui nous manque. Pendant que la religion se retire dans la discrétion du nid privé, l’économie s’avance et prend de plus en plus de place dans l’espace public. Elle influence tout. Elle s’impose et décide beaucoup, même dans les domaines où elle n’est pas directement concernée.
Un nouveau totalitarisme, un autre absolu. Une dépendance qui rejoint la horde de tant d’autres comme la cigarette, l’alcool, la drogue, comme l’internet, la loterie et le casino. Ou d’autres moins radicales, mais tout aussi envoûtantes comme le chocolat ou les croustilles. La liste peut s’allonger à l’infini et former un catalogue dont les proportions dépassent l’entendement.
La plupart des éléments de la liste constituent de bonnes choses en soi. Inoffensives, ces choses se transforment en d’irrésistibles tentations. Souvent sans nous en apercevoir, nous succombons sous leur charme.
Nous rêvons à la liberté, nous la recherchons constamment. C’est l’oxygène du coeur. Malheureusement, c’est du bout des doigts que nous finissons par l’attraper. Se trouve-t-elle déjà dans notre coffre au trésor, elle se dissimule parmi d’autres joyaux. À la moindre distraction de notre part, elle s’échappe. Subtilement, nos dépendances nous ensorcellent. Nous les chérissons jusqu’au jour où les chaînes deviennent trop lourdes. Nous nous débattons alors pour retrouver l’air frais et regagner notre autonomie.
Nous vivons une culture de consommation. Nous ne pouvons l’éviter. Comment trouver et garder sa liberté devant tant de sollicitations? Une certaine distance est possible. Elle est même nécessaire. Les anciens, plus que nous, connaissaient le jeûne et l’abstinence. Ils les pratiquaient régulièrement. Histoire de reprendre sa vie en main. Jeûner, c’est reconnaître que notre domaine a ses frontières au delà desquelles la liberté s’enfuit.
Le jeûne a été longtemps considéré comme un combat ambigu avec le corps. De nos jours, le jeûne peut s’avérer signe de l’acceptation du manque, et explosion du rapport compulsif à la dépendance caractérisant notre temps. Il s’agit de découvrir qu’il nous manque, tout en évitant de tomber dans le contrôle effréné du corps typique de l’anorexie. Le chemin est étroit qui, d’un côté, accueille la pesanteur corporelle de nos vies, et , d’un autre côté, s’ouvre à la grâce, allégeant parfois les plus lourds fardeaux. (Jacques ARÈNES, La Vie, 21 février 2002, p. 55)
Chez nous, certains ont lancé un mouvement en faveur de la simplicité volontaire. Vivre en deçà de ses désirs et de ses besoins pour ne pas se laisser envoûter par le charme du gain et les tentations de la possession.
Sauver la liberté en refusant les totalitarismes et les dépendances. Atteindre l’autonomie comme une dimension importante de la maturité humaine. Et une dimension de la foi aussi, car Dieu peut alors demeurer Dieu et l’humain un humain.