L’Église est construite d’êtres humains. Jusqu’ici, rien de bien nouveau. Mais allons un peu plus loin…
Si l’Église est constituée d’êtres humains, cela signifie qu’elle est traversée de toutes leurs expériences, qu’elle vit au rythme de toutes leurs activités. Rien d’étonnant alors à ce que les prières d’intercession de la Liturgie des Heures soient ponctuées de références au travail. Examinons-les ensemble et essayons de voir quel sens il est possible d’en tirer concernant cette dimension de la vie.
Au travail, les mots!
Un coup d’oeil attentif permet de dégager, dans les intercessions, de nombreux termes pouvant être rattachés au monde du travail. Certains sont d’ordre plutôt général: travail, travailler, actes, ouvrages. D’autres sont issus du vocabulaire rappelant le monde de la construction: ouvriers, bâtir, construire, édifier. Le terme artisan quant à lui évoque plusieurs sphères des facultés humaines: artistiques, manuelles, intellectuelles… Certains mots sont résolument tournés vers l’avenir: préparer, projets, transformer. La liste ne serait pas complète sans ces morts qui nous rappellent une dimension importante du travail: servir, service. Voyons chaque catégorie un peu plus en détail.
Travail, travailler, actes, ouvrages
Ce sont les termes les plus souvent utilisés parmi ceux énumérés ci-dessus. De façon régulière, les intercessions demandent à Dieu de se faire présent, d’accompagner l’être humain dans toute sa journée de travail. Pour se préparer à passer une bonne et fructueuse journée: Jésus Christ, Source jaillissante de vie, – féconde le travail de ce jour. (mardi matin III); pour que le travail de la journée manifeste la gloire du Seigneur: Regarde ceux qui nous sont proches par la vie et le travail; – que leurs oeuvres manifestent ta sagesse et ta bonté. (lundi matin I); pour que le Seigneur accompagne l’être humain jusque dans ses périodes de repos: Ceux qui rentrent du travail, – qu’ils se reposent auprès de toi. (jeudi matin II).
Dans une entrevue accordée à Célébrer les heures (numéro 2, été 1994, page 2.14), Jean-Jacques Lavoie notait que le psalmiste implorait le Seigneur de ne pas se reposer. C’est une malédiction si Dieu arrête de travailler, car l’être humain est alors abandonné à lui-même. Une préoccupation semblable se retrouve dans les intercessions de la Liturgie des Heures quand on dit: Au matin de ce jour, l’Esprit travaille en nous. – Qu’il habite nos prières et féconde nos efforts. (mardi matin II); Que la cité terrestre ne cherche pas à s’édifier sans toi; – et ceux qui la construisent n’auront pas travaillé en vain. (jeudi soir I)
Ouvriers, bâtir, construire, édifier
Les prières d’intercession sont fortement imprégnées de termes issus du monde de la construction. En harmonie avec le travail quotidien, pour le monde, le peuple de Dieu est employé de façon permanente et à temps plein à la réalisation du Royaume annoncé par Jésus. Maître de l’histoire, tu agis au coeur des hommes: – donne-nous de construire avec toi ton Royaume. (vendredi matin IV)
Le Royaume est édifié sur des fondations que les prophètes ont nommé tout au long de l’histoire d’Israël et que le Christ est venu rappeler: paix, justice, fraternité. Les prières d’intercession demandent au Seigneur de venir en aide aux hommes et aux femmes pour la mise en place de ces fondations: Quand sévit la discorde, que nous bâtissions la paix. (samedi matin II); Donne à ceux qui préparent l’avenir – de bâtir un monde juste et fraternel. (mardi soir I)
Artisan
Si les mots issus du monde de la construction évoquent un travail manuel, physique, celui d’artisan met en lumière toute la force créatrice de l’être humain. Cette force créatrice vient, bien sûr, du Seigneur. Elle est mise au service de l’édification des fondations du Royaume dont il était question plus haut. C’est pourquoi les croyants et les croyantes demandent à Dieu de renouveler sans cesse leur force créatrice: Accorde au monde la paix; – fais de nous les artisans de ta justice. (dimanche soir I); Pour qu’il fasse de nous des artisans de paix, prions le Seigneur. (samedi matin II)
Préparer, transformer, projets
Portée par des siècles de tradition, bien ancrée dans le présent, l’Église est constamment tournée vers l’avenir. Est-il étonnant de l’entendre prier avec des mots qui reflètent son souci de ce qui arrivera demain? Elle prend au sérieux les paroles du Christ qui annoncent un renouveau. Elle sait que ce renouveau ne se fait pas sans elle. Elle prend part au travail: Tu envoies tes disciples préparer la route devant toi; – donne-leur d’annoncer l’Évangile avec assurance. (mercredi soir III); Que ta sagesse nous tienne dans la vérité, – qu’elle éclaire nos projets et nos actes. (mercredi matin I); Tu nous as donné un monde à transformer (lundi matin II).
Servir, service
La quotidienneté du travail nous en fait oublier, bien souvent, une dimension importante: celle du service. Travailler, c’est accomplir un service. Et vice-versa.
Bien sûr, dans la plupart des cas, on travaille d’abord pour soi. Pour gagner un salaire, pour améliorer sa résidence ou sa qualité de vie, pour accroître ou maintenir son statut social. Mais le travail ne se limite pas à ces seules considérations. En travaillant, on apporte quelque chose à l’autre; son habileté, sa force son temps, ses connaissances… Même lorsque rémunéré, le travail reste avant tout un service. Ne dit-on pas que madame ou monsieur Untel a été au service de telle ou telle entreprise?
Dans la tradition chrétienne, le service occupe une place toute particulière. Le Christ est venu d’abord pour servir, comme il le dit lui-même. Et il invite ses disciples à faire de même. Servir ses frères et soeurs, servir l’Évangile, travailler pour le Royaume: Ta volonté, Seigneur est lumière sur le chemin; – que les jeunes découvrent la joie de te servir. (lundi matin I).
L’intercession du jeudi soir IV fait clairement ressortir ce lien entre service et travail. Elle met en parallèle les mots ouvriers et servir: Pour les ouvriers de l’Évangile, pour ceux qui servent leurs frères avec amour, prions le Dieu des miséricordes.
Pour conclure
Ce rapide coup d’oeil sur les intercessions de la Liturgie des Heures nous a permis d’y constater toute la richesse du vocabulaire évoquant le travail. Et, faute d’espace, nous n’avons même pas mentionné les passages où il est question, de près ou de loin, du travail. Les êtres humains qui constituent l’Église sont continuellement appelés à travailler au Royaume annoncé par Jésus. Leur vie professionnelle, leur prière, tout ce qu’ils font et sont se retrouve sur ce grand chantier.
La prière de l’Église, la Liturgie des Heures, n’est pas un espace clos, une espèce de parenthèse au cours de laquelle les hommes et les femmes mettraient leurs activités au congélateur pour les ressortir plus tard. Elle est partie intégrante de son travail à la construction du Royaume. Elle est le lieu privilégié où demander à Dieu de l’accompagner dans cette immense tâche.