Cet ouvrage saura intéresser à coup sûr toute personne qui croit en la résurrection et qui se questionne sur la popularité de la réincarnation. Dans le cadre de ses études doctorales, Suzanne Rousseau, professeure de théologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a cherché à comprendre pourquoi la croyance en la réincarnation est adoptée par de nombreux chrétiens qui n’y voient aucune contradiction avec la foi en la résurrection. Son hypothèse, c’est que la conception courante de la résurrection, telle qu’enseignée par les catéchismes et même par la catéchèse plus récente, repose sur une anthropologie dualiste, exactement comme la croyance en la réincarnation. La croyance en l’immortalité de l’âme, figure habituelle de la croyance en la résurrection, aurait fait du Québec un terreau fertile pour la propagation de la croyance en la réincarnation.
Pour vérifier son hypothèse, l’auteure analyse le contenu des petits catéchismes québécois de 1888 et de 1951, du Catéchisme de l’Église catholique de 1992 et des productions catéchétiques de l’Office de catéchèse du Québec de 1964 à 1985. La démonstration est étonnante et convainquante. En effet, même dans les documents plus récents, on retrouve le même dualisme : l’être humain serait composé d’une âme immortelle et d’un corps mortel. Après la mort, l’âme survit en attendant que son corps soit ressuscité lors du jugement définitif. Le corps serait donc quantité négligeable en ce qui concerne la nature profonde de l’être humain. Il est vrai que cette conception de l’être humain ressemble étrangement à celle des réincarnationnistes. Pour ces derniers aussi, l’âme immortelle constitue l’essence véritable de l’être humain. Le corps n’est qu’un véhicule temporaire. Le rapprochement est saisissant. Sur la base d’une telle anthropologie, résurrection et réincarnation s’amalgament aisément.
Dans sa conclusion, l’auteure fait référence à l’anthropologie biblique non dualiste et à la conception néo-testamentaire de la résurrection, qui impliquerait la mort totale des humains et leur résurrection totale, sans séparation du corps et de l’âme. Ces pistes de réflexion remettent en question l’immortalité de l’âme au nom de la foi en la résurrection. On ne peut refermer trop vite la dernière couverture de cet ouvrage intéressant, bien écrit et solidement documenté. Il nous laisse entre les mains des interrogations troublantes mais essentielles qui nous obligent à nous confronter aux fondements de notre tradition croyante.
Commentaire fort intéressant sur le contenu d’un livre de Suzanne Rousseau qui présente des perspectives inédites sur la résurrection des corps.