Je voudrais m’adresser au principal responsable de l’attentat à New York et à Washington.
Monsieur ou Madame (si ce titre est encore convenable pour vous désigner!),
Vous comprendrez que j’hésite à vous interpeller en disant: Cher monsieur, chère madame. Ce n’est pas l’habitude quand on s’adresse à un ennemi! Votre geste me bouleverse comme il a ébranlé une grande partie de l’humanité. C’est sans doute ce que vous souhaitiez. Personnellement, je ne peux pas accepter qu’on s’attaque à des innocents. Il y a des enfants qui pleurent depuis le mardi 11 septembre 2001 parce que papa ou maman n’est plus là. Il y a des maris atterrés parce que leur femme est morte dans l’écroulement d’une tour. Des femmes ont perdu tout intérêt pour la vie depuis que leur conjoint est mort dans l’écrasement d’un avion. Et tous ces morts, ces nombreux morts qui auraient pu continuer leur aventure sur une planète qui n’était sans doute pas le paradis, mais que nous ne percevions pas non plus comme un enfer.
Vous avez attaqué un pays. À travers lui, bien d’autres comme le mien se sentent concernés. Non seulement solidaires, mais aussi alliés. Nous critiquons nos voisins, c’est vrai. Mais des frères, ça se dit je t’aime en se chamaillant.
Vous avez attaqué une puissance militaire, une puissance économique. Vous avez osé frapper le géant du monde, celui que l’on prenait pour l’ange protecteur! Et nous avons compris ou découvert que chaque pays comme chaque personne a son talon d’Achille, son côté faiblesse, sa zone de vulnérabilité. Nous recevons le coup péniblement. Toutes nos sécurités s’effritent.
Peut-être, aujourd’hui, vous croyez-vous fort. Peut-être avez-vous l’impression d’être devenu puissant à votre tour. Faites attention. Dans le jeu terrible de la violence ou de la guerre, il n’existe jamais de vrais gagnants. La violence n’éclabousse pas seulement ceux et celles vers qui elle est dirigée. Elle blesse aussi son auteur. Le mal que nous causons ne nous ennoblit jamais.
Ces jours-ci, chaque personne sur cette terre, chaque peuple, chaque pays est isolé comme une brebis perdue. Que l’on soit du côté des victimes de New York et de Washington ou encore qu’on applaudisse au geste affreux que vous avez commis. Nous sommes tous et toutes des brebis perdues. Nous sommes égarés, loin de notre bercail. Nous avons perdu quelque chose de la richesse de l’humanité, de sa grandeur, de sa dignité. La beauté de l’être humain a été flétrie.
Et nous n’avons aucun avenir, ni vous ni nous, si nous ne reprenons pas la route risquant même que nos chemins se croisent. Il faut d’ailleurs nous rencontrer. Nous devons nous guérir mutuellement des douleurs de ce drame. Guérir de nos ruptures, guérir de nos meurtrissures, guérir de nos méchancetés. Nous devons nous rencontrer pour soigner nos rêves blessés et nos bonheurs meurtris.
Le croyant que je suis ne peut pas ne pas espérer que quelqu’un nous cherche l’un et l’autre. Comme un berger cherche sa brebis égarée. Quelqu’un au coeur large qui jettera en nous assez de compassion, assez de repentir, assez d’humilité, assez de courage pour que le pardon nous change l’un et l’autre. J’appelle donc Dieu: qu’il vienne à notre secours et à votre secours, pour que l’amour l’emporte sur la haine.
Un homme est venu de la part de Dieu. Nous avons appris de lui que le pardon est la seule justice valable, la seule issue pour sortir de la spirale de la violence. L’amour seul peut construire une terre habitable, des chemins qui convergent, des carrefours pour de véritables rencontres.
Monsieur, madame, cher monsieur, chère madame, je vous en prie: écoutez au plus profond de vous-même le silence qui révèle le meilleur de ce que vous êtes. Écoutez et offrez aux autres la compassion et la fraternité qui dorment en vous. Nous voulons en faire autant pour que toute haine soit désarmée et que la paix remplace la guerre. Qu’il y ait de la joie dans le ciel et sur la terre pour chaque pas vers la réconciliation.