C’est sérieux
Comme de grandes foules faisaient route avec lui, Jésus se retourna et leur dit : Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Quiconque ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut être mon disciple. Qui de vous en effet, s’il veut bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? De peur que, s’il pose les fondations et se trouve ensuite incapable d’achever, tous ceux qui le verront ne se mettent à se moquer de lui, en disant : Voilà un homme qui a commencé de bâtir et a été incapable d’achever ! Ou encore quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour examiner s’il est capable avec dix mille hommes, d’aller à la rencontre de celui qui marche contre lui avec vingt mille ? Sinon, alors que l’autre est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander la paix. Pareillement donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.
Commentaire :
Qui peut avoir oublié ce petit fait banal ? Jésus et ses disciples se mettaient en route quand un jeune homme lui demanda : Bon maître, que dois-je faire pour avoir en partage la vie éternelle ? Jésus de lui dire : …Tu connais les commandements. L’homme répondit : Maître, tout cela je l’ai gardé dès ma jeunesse. Alors Jésus le fixa de son regard et l’aima. Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis, viens et suis-moi. Mais lui, à ces mots, s’assombrit et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. Alors Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! Une vocation que Jésus laisse aller, sans négocier d’aucune façon. C’est à prendre ou à laisser. Telle est bien l’enseignement que Luc veut donner à sa jeune communauté où se rassemblent déjà de vieux fidèles (33) mais aussi quelques néophytes. L’évangéliste, une fois encore, laisse voir la qualité de son engagement personnel à la suite du Christ et du grand Paul, le moindre des apôtres de Jésus Christ, l’avorton.( 1 Co.15 :8 ) : leur conviction du radicalisme évangélique. Nous trouvons dans ce passage, une invitation à considérer l’état de disciple du Christ de façon autre qu’un engagement impulsif, passager ou conditionnel L’état de disciple du Christ, selon Luc, impose le renoncement à tout, parce que cette condition chrétienne ne peut être vécue qu’en relation avec le Christ qui s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté.(2 Co.8:9)
Cette section centrale de l’Évangile de Luc ((9 :51-18 :14) est un long récit de voyage qui, bien que tressée de toute part, fournit à l’auteur l’occasion de rassembler tout ce qui constitue l’Évangile des disciples.Le passage de ce jour marque particulièrement ce caractère artificiel de la section. On ne peut que difficilement découvrir une relation entre les passages précédents et les suivants ; même l’évangile de ce dimanche semble regrouper des éléments disparates, sans trop de liens les uns avec les autres, bien que se rapportant au même sujet
Les deux petites paraboles constituent comme une admonition de ne pas prendre à la légère cet état de disciple du Christ. Cet état exige le renoncement intérieur que Luc exprime par le terme haïr. Langage paradoxal pour un occidental ; mais dans l’Ancien Testament, l’expression n’exprime rien d’une quelconque rupture au plan des affections légitimes ou de sa propre vie, mais le fait de faire passer toutes les valeurs de ce monde au second rang dès que les intérêts de Dieu sont en jeu. Subordonner tout, absolument tout à l’amour du Christ. Ce radicalisme est souligné par la liste allongée des affections auxquelles il faut renoncer. Dans les premiers temps du christianisme, se joindre au Christ était souvent s’aliéner sa propre famille.
Dans la suite du texte, porter sa croix est une expression d’après Pâques et les événements de la passion ; elle rappelle l’Homme humilié que le chrétien veut se mettre en état de suivre dans sa passion et sa mort. Être inconditionnellement en communion avec Jésus constitue l’essence même de l’état de disciple. Ce détachement à l’égard de tout et la communion aux souffrances du Maître exigent d’aller jusqu’au bout dans ses efforts, se donner à fond : Renoncer à tous ses biens. Et pour bien souligner l’importance d’un tel engagement, l’évangéliste, dans les deux petites paraboles qui suivent, sert un sévère avertissement contre tout promesse superficielle.
Tel est bien l’esprit de Luc ; en toute matière évangélique, il ne veut savoir qu’une chose : c’est tout où c’est rien. L’état de disciple du Christ, c’est sérieux ! Il ne peut s’agir d’une conversion momentanée, d’un coup de cœur, mais d’un état durable et stable, quels que soient ses hauts et ses bas ainsi que ses exigences.
C’est sérieux. Si tu veux, va, vend tout, puis viens et suis-moi !