Vacances. Le temps se perd et peut se perdre sans bruit., comme les petits grains de sable qui glissent finement dans le sablier. Vacances. Oublier, l’agenda, les échéances qui vous minent la détente à longueur d’année. Vacances. Le téléphone n’impose plus son insolence d’enfant impatient. Vacances. De longues heures à lire sans dérangement: voyager dans l’imaginaire d’Alexandre Jardin, dévorer les intrigues de Victor-Lévy Beaulieu, inventer son propre roman en tournant les pages de celui des autres. Le paradis!
Tout au long de l’année, livres et revues s’empilent dans un coin de la bibliothèque. Nous n’avons pas le temps de lire. Nous gardons cela pour les vacances. En espérant que les vacances se passeront comme nous les rêvons…
C’est vrai que la vie quotidienne est à ce point chargée que toutes nos activités sont morcelées, bousculées, rognées par les deux bouts. Nous courons beaucoup. Nous nous enchaînons à des engagements qui débordent les uns sur les autres. Le soir venu, nous faisons une croix sur les loisirs et la détente parce qu’il reste du travail à faire. Demain, je prendrai une heure. Belle résolution qui bien souvent n’est pas tenue.
La prière comme des vacances
Peut-être la prière subit-elle le même sort. Et pourtant, elle pourrait être une détente en compagnie de Dieu. Flâner, rêvasser avec Dieu. «C’est le temps que tu perds pour ta rose, disait le renard au petit prince, qui fait que ta rose est importante.»
Dans la Liturgie des Heures, l’Office des lectures ressemble à un temps de vacances. Même si, traditionnellement, il était célébré durant la nuit, aujourd’hui nous pouvons le placer à n’importe quel moment de la journée. Et nous offrir le luxe d’une petite vacance!
À l’Office des lectures, nous prenons la peine d’ouvrir un livre et même nous en ouvrons deux. Aux autres Offices, nous ne lisons que quelques versets bibliques. Ici, deux lectures assez longues nous sont proposées pour chaque jour: un texte biblique et une page d’un auteur spirituel. Aux autres Offices, nous nous contentons d’une pensée qui nous raccroche à Dieu globalement, une sorte de clin d’oeil qui attire l’attention. Ici, nous nous arrêtons, nous entrons dans un texte, nous laissons place à la réflexion, nous permettons à un auteur de s’immiscer dans notre univers intérieur. Bref, la liturgie devient, avec une certaine permanence, un temps de formation.
Bien sûr, nous ne lisons pas, le crayon à la main, comme l’étudiant qui consulte un ouvrage spécialisé. Mais nous prenons le temps de creuser le message, d’entrer en dialogue avec lui ou plutôt nous entrons en dialogue avec Dieu qui s’exprime devant nous et qui s’imprime en nous. L’Office des lectures agit sur nous à la manière de la lectio divina de la tradition monastique: une lecture savoureuse de la Parole de Dieu.
En lecture continue
À première vue, dans l’Office des lectures, nous aurions l’impression de nous retrouver devant un ensemble de morceaux choisis. Au contraire, les différents livres de la Bible se présentent en lecture continue. Ainsi, une bonne partie du prophète Isaïe se retrouve en Avent. Durant le Carême, nous nous attardons sur le livre de l’Exode. Nous lisons les Actes des Apôtres au temps pascal. Deux répartitions des lectures bibliques sont possibles. Une répartition sur deux années nous permet de parcourir la Bible presque entièrement. Une seconde répartition sur une année nous limite aux textes majeurs. De cette façon, nous baignons dans une atmosphère particulière selon les temps liturgiques et nous profitons davantage de la Parole de Dieu qui nous est offerte.
Après la lecture biblique, l’Office des lectures propose le texte d’un auteur spirituel. Les grands écrivains classiques se succèdent tout au long de l’année, avec une place privilégiée pour les Pères de l’Église. Des textes majeurs du trésor de l’Église. Saint Augustin occupe le premier rang, mais d’autres maîtres l’accompagnent. Ceux-ci viennent de toutes les familles spirituelles. Notre formation, notre culture religieuse, nos intérêts s’élargissent pour englober la tradition orthodoxe, la spiritualité ignatienne ou franciscaine, les grandes catéchèses classiques, etc.
Il n’est pas toujours facile d’aborder les Pères de l’Église. Leur culture et leur mode de pensée diffèrent tellement des nôtres. L’effort en vaut la peine cependant. Nous y gagnons à persévérer. Les choix proposés par la liturgie ne sont pas limitatifs. Le Pape a approuvé un second lectionnaire plus fourni et plus diversifié. Ce lectionnaire sera bientôt disponible en français. Il es possible aussi de remplacer la proposition du livre liturgique par la lecture continue d’un bon ouvrage.
En plus des lectures
Chacune des lectures est suivie d’un répons. Le répons est une pièce littéraire plutôt poétique comprenant une suite de phrases qui s’inspirent de la Bible. L’une d’elles sert de refrain. Le répons est une sorte d’évocation, sous forme lyrique, de la lecture qui précède.
Les deux lectures avec leurs répons sont précédées par trois psaumes. On a gardé pour cet Office les psaumes historiques («Nos pères nous ont raconté…»), les longs psaumes et quelques autres inclassables. Ces prières donnent une note particulière aux lectures. Nous ne nous contentons pas d’une banale lecture. Le climat de la célébration nous permet de lire la Bible et les écrivains spirituels dans un dialogue, comme une conversation, comme une prière.
L’Office des lectures commence par une hymne comme les autres offices de la Liturgie des Heures. Ici aussi, l’hymne crée l’assemblée, elle dispose le coeur, elle donne le ton, elle enclenche la prière. Une prière conclut l’ensemble de la célébration. Enfin, aux fêtes et aux solennités, les lectures et leurs répons sont suivis par l’hymne «À toi, Dieu, notre louange» que les moins jeunes connaissent mieux sous le nom Te Deum.
Dans l’ensemble de la Liturgie des Heures, l’Office des lectures n’occupe pas une place centrale. Il est souvent l’enfant négligé ou ignoré, peut-être même un «Mozart» que l’indifférence assassine! Et pourtant, quelle richesse pour la formation personnelle, pour la prière… pour de petites vacances quand les autres sont impossibles.