Il y a plusieurs années, j’ai travaillé dans une école spécialisée pour des enfants handicapés. Nous recevions des enfants sourds, des aveugles, des enfants dont la motricité étaient perturbées. Dans le groupe, il y avait deux enfants autistes: une grande fille et un petit garçon. C’était particulièrement difficile de faire la classe à ces deux jeunes lourdement handicapés, prisonniers à l’intérieur d’eux-mêmes, apparemment incapables d’entrer en relation avec nous. Nous avions souvent la triste impression que nous ne pouvions pas communiquer avec eux. Il nous fallait surmonter cette impression pour agir avec Suzie et Jean comme s’ils étaient des enfants comme les autres. Nous leur parlions comme nous parlions aux autres. Nous espérions qu’ils emmagasinent notre enseignement et les principes d’éducation que nous essayions de leur transmettre. Nous espérions qu’un jour il se produise quelque chose, un choc comme un violent coup de vent qui fasse tomber les murs de leur prison intérieure. Qu’ils accèdent enfin à notre monde. Et que ces deux jeunes réveillent enfin tout ce bagage que nous essayions de leur transmettre jour après jour.
Il y a quelque chose de ce genre dans la transmission de l’Évangile. Depuis deux mille ans, celui-ci résonne dans l’univers. Il est proclamé de mille et une façon: par la parole, par le geste, par l’attitude, par le comportement. C’est la profession de foi de l’un, le service rendu par l’autre, l’audace d’un troisième, l’espérance, la prière, la solidarité. Nous baignons dans cet événement qui s’annonce sous tant de formes. Il entre en nous alors que nous en sommes plus ou moins conscients. Il se loge au fond de nous-mêmes et attend son jour.
Son jour, c’est un geste bouleversant, une parole qui nous taraude le coeur, une brise légère qui nous frôle, une émotion, un incident, un drame. Et soudain la Parole de Dieu se met à bouger en nous. Elle se réveille et nous réveille, comme le bébé qui bouge dans le sein de sa mère la sort de son sommeil.
La Parole de Dieu résonne comme une harpe ou une flûte. Elle chante l’amour, la fraternité, la réconciliation. Elle laisse éclater la vérité. Elle danse la liberté. Un message plein de souffle, une grande espérance. La farandole d’un univers en pleine recréation.
Un artiste met la Parole en scène: l’Esprit, l’Esprit du Christ, l’Esprit de Dieu. Il ouvre la partition musicale rangée au fond de nous-mêmes. Et de tout son souffle créateur, il lance la symphonie. Je l’entends dans les rythmes de ma culture. Et à l’autre bout du monde, un japonais, une rwandaise, des australiens la reçoivent aux accents de leur propre culture. La Parole est universelle. Personne ne peut en revendiquer l’exclusivité. Dieu l’adresse à tout le monde. Et l’Esprit la joue sur toutes les latitudes. Des hommes et des femmes chantent et dansent avec lui en espérant que cette musique unique relie les coeurs et fasse naître la paix.