Fête de la Parole
Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Et je prierai le Père et il vous donnera Quelqu’un d’autre, l’Esprit de vérité, pour être avec vous à jamais. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon Père l’aimera, mon Père et moi viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure. Celui qui ne m’aime pas, ne garde pas mes paroles. Ce que vous m’entendez dire n’est pas de moi, mais c’est la parole de mon Père qui m’a envoyé. Je vous ai dit ces choses alors que je suis encore avec vous. Mais celui qui doit vous aider, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, Lui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.
Commentaire :
Ce bref passage du Discours d’adieu, au soir de la cène, risquerait d’avoir peu d’impact, si nous n’avions au préalable fait lecture du texte de Paul aux Romains (8 :8-17), deuxième lecture de la célébration de la Pentecôte. Paul écrivait à ses fidèles : «Vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant : «Abba !» C’est l’Esprit Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ.»
Que serait cet héritage ? Les mots de la séquence qui suivent constituent l’explicitation de cet appel vers le Père et les valeurs de cet héritage : «Viens Esprit Saint habiter en nos cours, père des pauvres, lumière de nos cours, consolateur, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur. Viens remplir jusqu’à l’intime le cour de tous tes fidèles.»
Ces témoignages de la primitive Église rendent compte des indicibles grâces de la Pentecôte. Sans doute, y eut-il le discours de Pierre à la foule rassemblée autour du cénacle, compris par chacun en sa propre langue, et le changement opéré en ces hommes timorés qui, d’un dynamisme charismatique, font sauter les verrous qui scellent les portent et se portent à la rencontre de ceux-là même qu’ils craignaient tellement. Mais, le plus saisissant et non moins insaisissable, s’est passé à l’intérieur de chacun, en son âme, en son esprit, et pourrait se produire en chacun de nous, ce matin de la Pentecôte : l’emprise de l’Esprit qui fait de nous des fils et des filles et nous fait nous écrier : «Abba !» Père. Non un esprit de crainte, mais un Esprit d’Amour et de fidélité.
C’était là la réalisation de la foi et de l’espérance des Anciens, avant le Christ, dont le prophète Joël demeure le témoin le plus authentique : «Je répandrai mon Esprit sur toute chair »(Jo.3 :1) , mots que Pierre reprendra en son discours de la Pentecôte (Ac. 2 :17), mais dont Jésus s’était porté garant au soir de la Cène, en son Discours d’adieu.
L’Esprit Saint n’est pas l’Esprit tout court, sans nom, sans visage, mais l’Esprit du Père et l’Esprit de Jésus. Jésus fut à la fois révélation du Père et manifestation de l’Esprit par sa vie, son comportement et ses ouvres. L’Esprit Saint est, de façon plus précise encore, l’Esprit de l’Évangile, de la Parole fait chair, du Verbe incarné : «L’Esprit que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.» Il est l’Esprit de vérité, qui nous garde de toute interprétation fantaisiste : «Avant tout, enseignait l’apôtre Pierre, sachez-le : aucune prophétie d’Écriture n’est objet d’explication personnelle ; ce n’est pas d’une volonté humaine qu’est jamais venue une prophétie, c’est poussés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu.» (2 Pi. : 1 :20-21)
Quel rapport existe-t-il entre ce passage de Jean et le récit de la Pentecôte par Luc dans le Livre des Actes des Apôtres ? Quand cette promesse de l’Esprit se réalise-t-elle : au soir de Pâques (Jn 20) ou à la Pentecôte ? Ce retournement spirituel, source de la communauté chrétienne remonte-t-il à la Pentecôte ou à Jésus ressuscité. L’Église primitive ne se croyait pas seulement miracle de la Pentecôte, mais non moins émanation de l’Esprit de Jésus ressuscité ; elle ne se définissait pas uniquement comme pur événement spirituel, mais comme l’ouvre personnelle de Jésus ressuscité apparu à ses disciples pour leur partager sa mission et leur insuffler son Esprit. La communauté chrétienne avait conscience d’être avant tout communauté pascale, pour devenir communauté pentecostale (Luc. 24 :48+ et Act.1 :1-26).
Il demeure que les deux événements, si connexes soient-ils, prennent pour nous source et réalité dans la fidélité à Jésus et à sa Parole. L’Esprit du Père et l ‘Esprit de Jésus, susceptibles d’habiter en nous, sont l’Esprit de l’Évangile, l’Esprit de vérité. La Parole est toujours à approfondir, à remémorer, à comprendre davantage. Et c’est là l’ouvre, non de chacun, mais de l’Esprit de Vérité qui nous habite avec la Parole que nous entendons et qui tombe dans une bonne terre (Mat. 13 :18-23).
Célébrer la Pentecôte c’est célébrer la Parole. Nous pourrions lire ce récit des Actes (2 :1-13) ) comme la narration d’une longue retraite des Apôtres au Cénacle, durant laquelle ils ont partagé leurs mémoires de Jésus, compris certains de ses enseignements et mis en commun leurs expériences. Ainsi la Parole est-elle devenue flamme dans leur cour comme pour Jérémie, le prophète : « Je disais, jamais plus je ne penserai à Lui, je ne parlerai en son Nom ; alors c’était en mon cour comme un feu dévorant que je m’épuisais à contenir, je ne pouvais le supporter.» (20 :9) Comme elle peut être signifiante la toile lucanienne de cette Pentecôte où des langues de feu descendent sur les Apôtres et précipite ces hommes «ivres» de Parole au-devant des foules alertées par le tremblement de terre. «Je prierai le Père et il vous donnera l’Esprit de Vérité qui vous vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.» (Jn :14 :16 + 26)
S’il est une fête de la Parole, fête du Christ ressuscité, c’est bien cette fête de l’Esprit que Jésus «souffla sur ses Apôtres : Recevez le saint-Esprit,»