Je regardais le petit garçon. C’était le père en peinture! Le même visage carré, le même nez, la même tension dans les yeux. Mais le sourire, lui, il venait de la mère, un sourire tranquille, celui de la confiance et de la sérénité. Je regardais le petit garçon et je voyais les parents. De cet homme et de cette femme, il était une présence, un rappel, un souvenir. Un souvenir comme une photo nous rappelle quelqu’un.
Je savais cependant que le souvenir ne se limiterait pas à ces apparences. Il serait plus qu’un trait de visage ou la petite fossette de la joue. Cet enfant partageait la vie de son père et de sa mère. Il les écoutait parler. Il les voyait agir. Il adoptait déjà la démarche, les points de vue, la manière de juger des situations. Peut-être, devenu adulte, serait-il aussi vif que son père, aussi pondéré que sa mère. Pas une copie conforme, car il aurait droit à sa personnalité propre, à ses options personnelles. Mais une part de la richesse familiale lui était transmise, qu’il léguerait lui-même à ses descendants. D’une génération à l’autre se perpétuerait le souvenir, un souvenir très concret.
Ce qui était en train de se produire pour ce petit garçon arrive à peu près à tout le monde. Nous sommes tous et toutes les portraits de nos parents. C’est aussi ce qui survient à ceux et celles qui choisissent de suivre Jésus Christ. La veille de sa mort, Jésus disait à ses disciples: «L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.» L’Esprit peut bien nous rappeler les paroles de Jésus, son enseignement. Il peut nous éclairer au sujet de la pensée et du message de Jésus. Mais il me semble que le souvenir de Jésus que nous transmet l’Esprit va beaucoup plus loin. L’Esprit nous fait devenir nous-mêmes un souvenir vivant, un souvenir en chair et en os. Saint Paul ne disait-il pas: «Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi»?
Si nous vivons du message du Christ, si nous adoptons sa mentalité, si nous nous engageons sur la même route que lui, ce n’est pas par simple mimétisme. C’est principalement, et même exclusivement, parce que l’Esprit du Christ nous habite et fait oeuvre de création en nous. Il nous adapte au Christ, il nous transforme en lui. En parlant de la relation entre les disciples et lui, Jésus utilisait l’image de la greffe. Une branche greffée sur un arbre en reçoit la sève. Par conséquent, elle se nourrit de la vitalité de l’arbre; elle finit par se transformer en l’arbre; elle en adopte les caractéristiques. Bref, elle devient l’arbre lui-même. Ainsi en est-il de l’homme ou de la femme qui aime le Christ, qui reste fidèle à sa Parole. De celui-là, de celle-là, Jésus dit: «Mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui.»
Mystérieuse relation où se rejoignent l’humain et le divin. Mystérieuse communion entre le ciel et la terre. Le Christ n’est vraiment pas absent. Les croyants et les croyantes en sont la perpétuelle présence, l’incroyable présence jusqu’à la fin du monde…