Bergers, au combat !
Jésus avait dit aux Juifs : «Je suis le Bon Pasteur (le vrai berger).» Il leur dit encore : «Mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN.»
Commentaire :
Nous sommes à la fête de la Dédicace (10 :22), donc assez longtemps après le discours sur le Bon Pasteur (10 :7-18). La contestation engagée par les juifs contre le Seigneur (8 :12-10 :42) prend de l’ampleur. La fête de la Dédicace était un anniversaire patriotique et politique ; on célébrait alors, huit jours durant, la résistance héroïque et victorieuse des Macchabées contre l’occupation étrangère et la profanation du Temple. Dans l’esprit de la fête, on évoquait non moins la lutte pour la purification du peuple à l’égard des influences hérétiques. On ne peut ignorer le contexte de cette fête, il donne sens à la parabole de ce dimanche.
Déjà, dans le chapitre 9e de Jean, la guérison de l’aveugle-né comportait le procès que tout chrétien peut être appelé à subir pour le Christ. Le chapitre 10e , étroitement lié au précédent, situe la mission du Pasteur dans un contexte de lutte : les uns l’acceptent et croient en lui, les autres refusent son témoignage et trouvent un prétexte pour le «faire pendre» .
Trois affirmations concernent les brebis : elles écoutent la voix du Christ et celui-ci les connaît, elles le suivent et il leur donne la vie éternelle, elles ne périront jamais et nul ne les arrachera à sa main.
«Les brebis écoutent ma voix.» Attitude fondamentale face au Christ, ouverture à la Parole, croire. C’est pourquoi, Jésus les connaît. De là, résulte l’unité profonde dans l’amour entre le pasteur et la brebis. Entendre et connaître, deux attitudes correspondantes et fondamentales, souvent utilisées pour désigner l’union conjugale.
Ce qui caractérise la personne du bon berger comparativement au mauvais, c’est qu’il établit avec ses brebis une relation spéciale de connaissance (10 :4) i.e. de communion intime et d’appartenance réciproque. Il ne s’agit pas d’une relation occasionnelle, mais d’un rapport éternel d’union et de communion. Ceci se réalise par l’écoute de la voix du Berger, la Parole de Jésus, et c’est cette Parole qui constitue le peuple de Dieu pour aujourd’hui et pour demain
«Elles me suivent» : En écoutant la Parole, l’homme pousse sa confiance à l’extrême, il est prêt à tout : «Je te suivrai où que tu ailles.» (Mt. 8 :19) Cette attitude donne accès au salut : entendre Jésus et le suivre, c’est posséder dès maintenant la vie éternelle (17 :3)…
«Ils ne périront jamais.» «. aucun d’eux ne s’est perdu sauf le fils de perdition.» (Jn. 17 :12) La sécurité dont jouissent les brebis sous la houlette du Pasteur apparaît inébranlable du fait que le Père s’en porte garant, les croyants constituent le don que le Père a fait à son Fils. Et celui-ci ne cesse de veiller sur les brebis qu’il a confiées à son Fils, lui-même totalement dépendant du Père. «Le Père et moi, nous sommes un.» Le Père et le Fils agissent en vertu d’une même puissance. Au ch.17e, Jean insistera sur cette unité du Christ avec son Père : «Père, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés pour qu’ils soient un comme nous.» (17;11)
Ces termes brebis, troupeau, pasteur peuvent gêner. Ce sont des expressions dépassées, d’un folklore ecclésiastique. Pourtant ces figures expriment un projet, une démarche de Dieu, ils sont de tous les temps. Et le contexte de la fête de la Dédicace leur confère un dynamisme sans équivoque.
Le berger demeure, malgré tout ce qu’une tradition populaire peut évoquer, un chef audacieux, hardi, qui attaque de front l’adversaire. C’est un homme de choc, de combat. Il appelle les brebis par leur nom et les pousse dehors, et lorsqu’il les a toutes expulsées d’une situation désormais révolue, il marche devant elles et elles le suivent. (10;3-4) . C’est une fois sorti des privilèges longtemps considérés comme exclusifs à Israël que sera devenu possible le regroupement d’un peuple nouveau constitué par l’appel, la connaissance et la «suivance» du Christ. Le berger offre à ceux qui le suivent une vivante assurance qu’être avec lui hors du bercail traditionnel et marcher vers les autres dans l’espérance d’une réconciliation universelle, c’est avoir la vie en abondance.
Les soit-disant pasteurs du troupeau ne sont que les sacrements du Bon Pasteur et les serviteurs de son dessein sur l’humanité : le rassemblement, l’unité, la communion des hommes avec Dieu et entre eux. . La premier devoir pastoral est d’annoncer la parole et c’est par la foi que le troupeau de Dieu, l’assemblée des croyants, se trouve rassemblé.
L’expression troupeau risque également une mauvaise interprétation pour autant qu’elle décrit un attroupement grégaire, impersonnel, dépersonnalisant, nivelé par le bas. Le terme brebis lui-même évoque l’absence de personnalité, de caractère, la sujétion, la passivité. Ces sens détournés n’ont plus cours, au contraire, ils font appel à ce qu’il y a de plus intime au cour de l’homme, au type le plus élevé de rencontre entre les personnes : rassemblement par la parole.
Ainsi, en cette fête grandiose, voire épique, de la Dédicace, c’est un appel au combat que Jésus lance à tous ses collaborateurs futurs de même qu’il décrit sa mission.