Ci-gît !
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il faisait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : «On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis.» Pierre partit donc avec l’autre disciple, pour se rendre au tombeau. Ils courraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour, il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Commentaire :
Ci-gît ! Faute de frappe ou de français ? Pourtant des milliers d’épitaphes, des millions de pierres tombales, des milliards de stèles qui tapissent la face de la terre gardent par ces mots le souvenir d’une absence et d’une présence. Pierres érodées par le temps, les intempéries, peut-être même le travail d’un graveur retenu pour effacer le tout. Il est bon malgré tout de retrouver dans le vaste champs des morts l’indice d’une présence : l’un des nôtres.
Les Hébreux avaient, entre autres peuples, ce culte du tombeau et ne craignaient rien de plus que de mourir en plein désert. (Ex.16: 3, 17:3) Abraham marchanda avec les fils de Het pour donner à Sara son épouse une sépulture dans la grotte de Makpéla. (Ge.23: 7+) «Isaac mourut et fut réuni à sa parenté : ses fils l’ensevelirent.» (Ge.35; 29) C’est avec émotion que nous pouvons relire ici les dernières volontés de Jacob : «Quand je serai couché avec mes pères, tu m’emporteras d’Égypte et tu m’enterreras dans leur tombeau.» (Ge. 47:30) Pareille sollicitude permettait aux morts de rejoindre les mânes de leurs ancêtres. Ne pas être enseveli décemment constituait le comble à tous les maux : «Un individu a eu cent fils et autant de filles, sa vie a été bien longue. Il ne profite pas de son bien, il n’a même pas un tombeau. L’avorton est plus heureux que lui. Il vient des ténèbres et il va dans les ténèbres.» (Qo.6: 3) «Joïaqim, roi de Juda: malheur à cet homme-là ! Pour lui, point de lamentation ! Il aura l’enterrement d’un âne, on le traînera pour le jeter hors des portes de Jérusalem.» (Jér.22: 18) Moïse et le prophète Élie n’auront ni sépulture ni tombeau, mais pour d’autres motifs (Dt.34 ; 6
Jésus sera objet de ces dévotion et respect : «Le soir du vendredi saint, un homme riche, nommé Joseph, disciple de Jésus, alla trouver Pilate et demander le corps de Jésus, qu’il roula dans un linceul propre et plaça dans le tombeau tout neuf qu’il s’était fait tailler dans le roc ; puis, il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.» (Mat.27: 57-60) «Le premier jour de la semaine, (pour nous, dimanche matin) Marie de Magdala se rend de bonne heure au tombeau alors qu’il faisait encore sombre, et elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Pierre et Jean accourent à la nouvelle et voient les bandelettes à terre ainsi que le suaire qui recouvrait la tête de Jésus roulé dans un endroit à part.» Le tombeau vide !. Réalité inacceptable pour les ancêtres et les vivants, une seconde mort pour les témoins du Calvaire. «On a enlevé mon Seigneur, s’exclamera Marie aux anges assis là où reposait le corps de Jésus, et je ne sais où on l’a mis.» (Jn.20: 13)
Après tant de promesses, un tombeau vide : « Le Fils de l’homme doit souffrir, être mis à mort et le troisième jour, ressusciter.» Après tant d’espérance, un tombeau vide : «Ton frère ressuscitera, avait dit Jésus à Marthe. Je suis la résurrection. Qui croit en moi fut-il mort vivra et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?» (Jn.11: 23-26) Après tant d’amour et de sollicitude, un tombeau vide : «Jésus vint à Béthanie. On lui offrit un repas. Marthe servait. Marie oignit d’un parfum très coûteux les pieds de Jésus et les essuyait de ses cheveux.» (Jn.12: 2-3) Un tombeau vide! Il faudrait être juif ou oriental pour comprendre.
Pour tous les disciples de Jésus, le tombeau vide constitue un véritable défi, il en appelle à une foi totale. La personne de Jésus, homme de douleurs et connu de la souffrance, son aspect défiguré, sans apparence humaine (Is. 52:13), son regard plein de compassion, ses gestes de tendresse et de miracles, rien n’est plus, seules demeurent ses paroles et le défi d’une foi aveugle. «Jean vit et il crut. En effet, Pierre et Jean n’avaient pas encore compris que, d’après l’Écriture, il devait ressusciter des morts.» (Jn.20: 9)
L’apôtre Paul pourra bien nous partager son enthousiasme concernant la résurrection, mais «il transmet tout d’abord ce qu’il a lui-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau et qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures.» (1 Co.15: 2) «Le Christ ne meurt plus, il a vaincu la mort, la mort n’exerce plus aucun pouvoir sur lui. (Rom. 6:9) «Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi.» (1 Co.15: 17) «Où est-elle, ô mort, ta victoire, où est-il, ô mort, ton aiguillon.» (1 Co. 15:54)
C’est à cette foi aux Écritures et aux promesses de Jésus que nous sommes conviés en chacune de nos eucharisties lorsque nous célébrons le mémorial de la mort et de la Résurrection du Christ. Nous n’évoquons pas un passé immémorial, mais un présent. «L’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite parmi nous et il donnera aussi la vie à nos corps mortels. » (Rom.8: 11) La puissance de Dieu demeure présente en tous temps et en tous lieux, cette puissance pascale qui nous rejoint tous, membres du corps dont le Christ ressuscité est la tête, comme elle rejoint un jour Lazare et tous les infirmes guéris par Jésus. Ce n’est donc point un anniversaire qui nous rassemble autour de la table eucharistique, mais un ensemble de rites et de paroles qui réalise pour tous et chacun l’événement de la résurrection et nous associe à l’efficacité de la puissance du Père réalisée par le Christ : «Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle.» (Rom.6: 1-4)
Face au tombeau vide, nous pouvons, par la grâce des Écritures et de la foi, lire au lieu des mots «CI-GÎT» érodés par l’oeuvre pascale de l’Esprit :
C I – V I T ! .