La peine de mort existe sans doute depuis que la vie existe. Depuis toujours, quoi! Des animaux en ont tué d’autres qui ont voulu attenter à la vie de leurs congénères. Les humains en ont fait tout autant. Et dans plusieurs pays, on continue d’appliquer cette forme de sanction. Le bilan est triste. Il l’est particulièrement dans des pays qui se piquent d’occuper les sommets de la civilisation raffinée. C’est le cas dans plusieurs états de notre voisin immédiat.
Qu’est-ce qui pousse des sociétés, des nations à tuer des criminels notoires ou dangereux. Sans doute, la peur y est pour quelque chose. Un tueur, c’est menaçant. S’il a accompli son acte crapuleux une fois, il peut récidiver. Protégeons-nous. Éliminons le danger. D’autres tenants de la peine de mort militent en faveur de la justice. Ils disent que l’assassin doit payer pour son crime. On doit lui faire ce qu’il a fait à d’autres. Il y a dans cette forme de justice quelque chose qui s’apparente à la vengeance. Pourtant, il y a plus de justice dans la rééducation que dans la punition. Prôner la peine de mort, c’est perdre confiance en l’être humain et en sa capacité de changer. Même le criminel le plus dévergondé. L’être totalement pervers n’existe pas. Dans tout être humain, le bien précède toujours le mal, et il en reste toujours assez pour croire possible une nouvelle germination de ce bien.
Au fond, derrière tous les motifs avancés en faveur de la peine de mort, il y a le désir profond de la pureté. Le besoin de vivre dans un milieu correct, où on a fait disparaître tout ce qui est mauvais, dégradant, tout qui salit la société et ses institutions, tout ce qui nous fait honte. C’est sans doute ce qui se cache derrière la loi du Lévitique (20, 10) et que nous trouvons aussi dans le Deutéronome (22, 22-24) : l’adultère, dit la loi biblique, doit être puni en lançant des pierres sur les coupables jusqu’à ce que mort s’en suive. Le châtiment est sévère. On ne tolère aucune dérogation grave à l’idéal moral de la nation.
Un jour, on présente à Jésus une femme qu’on vient de surprendre en train de commettre l’adultère. Que fera celui qui prêche l’amour et le pardon? Va-t-il ignorer la loi? Va-t-il la faire appliquer? Jésus dépasse le piège en renvoyant chacun à sa propre pureté, à son idéal personnel. Mais également aussi à ses déviations, à ses saletés. «Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre.» (Jean 8, 7)
Il y a dans la réponse de Jésus beaucoup d’habileté: il évite le piège de ses adversaires. Mais il y a davantage: Jésus propose une attitude à prendre partout et toujours. Jésus ne dit rien d’autre que ceci: tu veux changer le monde, commence par cette portion du monde que tu es toi-même. Nettoie d’abord ton jardin. Tu es la première étape de purification. Se faisant, tu auras assez de travail pour occuper toute une vie. Et tu n’auras plus assez de temps pour dépister d’autres fautifs, d’autres délinquants. Tu condamneras moins facilement les autres. Au contraire, tu comprendras. Tu chercheras le talon d’Achille, le point faible où la transformation devient possible, la guérison envisageable.
Le récit de la femme adultère révèle que les accusateurs se sont dispersés. Il précise «en commençant par les plus âgés» (8, 9), c’est-à-dire ceux qui pouvaient comprendre plus facilement la nouvelle sagesse que Jésus mettait en oeuvre.