C’était un homme de la nature. Un amateur de la nature, me direz-vous? Oui, mais davantage. Il vivait dans une grande communion avec le sol, les plantes, les oiseaux. Il respirait comme la terre le soir des labours. Il frémissait devant le soleil comme les marguerites et les pissenlits qui entouraient son jardin.
Il parlait peu. Il écoutait beaucoup. Une légende locale laissait croire qu’il entendait le frottement des nuages quand ils se rassemblent pour pleuvoir.
Il parlait peu, ai-je dit, mais il disait beaucoup. À son voisin qui se plaignait du peu de rendement de son jardin, il avait simplement dit: «C’est pas en tirant sur la tige que tu fais pousser une fleur.» À un autre qui songeait à couper un vieux pommier aux fruits gâtés, il demanda:
– Depuis combien d’années qu’il te donne des pommes?
– Depuis mon enfance!
– Et tu ne t’es jamais attaché à lui? Tu n’as jamais caressé son écorce? Tes yeux n’ont jamais parcouru les courbes de ses branches?
Une vieille dame déclara un jour:
– C’est le bon Dieu sur la terre. Il est tellement marié avec la terre que c’est le bon Dieu en personne. Il a de la patience pour attendre des fleurs dans le pire désert du monde.
L’étourdi du village avait rétorqué:
– Tu penses, toi, que le bon Dieu est patient?
– Faut bien, dit la vieille, pour qu’il laisse pousser de la mauvaise herbe comme toi!
Dans ce village-là, on avait le bon Dieu patient, bon et patient! À cause d’un jardinier marié à la terre et d’une bonne vieille croyante au regard perçant.
L’histoire leur donnait raison. La longue histoire des peuples en quête de vérité. Et la petite histoire de bien des mécréants qui, avec le temps, avaient repris le chemin de leur coeur.
Pour tous ces portraits patinés de patience, Jésus avait une parabole, l’aventure d’un figuier apparemment desséché à qui le jardinier avait offert un délai. Il voulait sans doute louer la patience des gens qui aiment, mais davantage la patiente patience de Dieu.