Imaginez Maisonneuve, Jeanne Mance ou Marguerite Bourgeoys qui se retrouvent dans les rues de Montréal aujourd’hui! Quel serait leur étonnement! En presque 360 ans depuis sa fondation, la ville a changé radicalement. Des paysages que Maisonneuve n’aurait pu imaginer, même avec l’imagination la plus créatrice qui soit. À la place des arbres, des maisons, des gratte-ciel. Des milliers de rues ont remplacé les minuscules sentiers des premiers jours de la colonie. Le chant du vent dans les arbres est étouffé par le bruit des véhicules de transport et les moteurs de toute sorte qui ronronnent dans la ville. Montréal a beaucoup changé. Tout le pays et tout le continent se sont transformés au point de ne retrouver des débuts que bien peu de choses. Nous pouvons subir certains de ces changements, ne pas vouloir en être responsables. Il n’en reste pas moins que ce sont des humains qui en sont les auteurs. Pour de multiples motifs, ils ont travaillé et continuent de travailler. Ils ont développé et continuent de développer.
Derrière les innombrables motifs de nos besognes, il y a le désir de vivre ensemble. Nous construisons des maisons pour les habiter et y vivre nos rencontres. Nous traçons des rues et des routes pour mieux nous retrouver, partager un bout ou l’autre de la vie avec d’autres. Nous ne sommes pas faits pour nous isoler les uns des autres. Au contraire, il y a en chacun de nous un espace que d’autres peuvent habiter. Nous laissons la porte ouverte. Nous invitons à entrer. Oh, bien sûr, nous ne souhaitons pas être envahis, mais nous ne pourrions nous sentir heureux si personne ne faisait partie de notre intérieur. Le bonheur est lié étroitement à nos habitations, les personnes que nous habitons, les personnes qui nous habitent.
Aussi cherchons-nous à tisser des liens. Nous faisons naître des amitiés. Nous créons des alliances. Même les mauvais garnements s’allient à d’autres, forment des gangs. À plus forte raison les citoyens et les citoyennes au grand idéal rêvent à une société où l’harmonie et la bonne entente rapprochent les uns des autres.
Notre coeur est grand, vaste comme les planètes et les espaces intersidéraux. Il y a même en nous de la place pour Dieu. «Notre désir est infini», aimait dire Catherine de Sienne. Infini pour Dieu d’autant plus qu’il est infini comme Dieu. Jean-Baptiste a raison de nous inviter à aplanir les sentiers, à tracer des routes pour le Seigneur. Saint Augustin ne disait-il pas: «Nous sommes faits pour Dieu et notre coeur n’aura de repos qu’en lui»! Nous reposer en lui, le faire reposer en nous. Infini de Dieu dans l’infini de notre désir.
Dieu se reconnaît dans nos entreprises fraternelles, dans nos projets de rapprochement. Dieu se sent à l’aise dans nos amitiés et nos alliances. Et il perçoit nos amours comme autant d’invitations qui lui sont adressées pour qu’il vienne à nous. Il emprunte alors les multiples chemins que nous traçons entre nous pour venir lui-même nous rencontrer.
Entre les premiers balbutiements de Montréal au temps de la colonie et le brouhaha de maintenant, il n’y a pas beaucoup de points communs. Sauf peut-être cette présence de Dieu dans nos rencontres humaines. Présence de son amour dans nos amitiés. Présence de sa sollicitude dans nos solidarités. Aujourd’hui comme hier, et pour toujours.