Qu’est-ce que la vérité?» Voilà une question incisive posée un jour par un gouverneur de Palestine tristement célèbre (Cf. Jean 18, 38) La question s’adressait à un personnage non moins célèbre qui venait de piquer le gouverneur en disant: «Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité» (Jean 18, 37).
La question a souvent été interprétée comme impertinente. Question d’un homme que l’expérience a désabusé. Mais pourtant, c’est la question que nous portons tous au plus intime de nous-mêmes. Question qui nous fait vivre. Question qui nous caresse et nous blesse tout à la fois. Elle se trouve à l’origine de notre dynamisme. Nous la retrouvons aux sommets que nous gravissons.
Il existe des milliers de vérités. Le savant voit la vérité dans la nature des choses que lui font connaître ses expériences scientifiques. Le philosophe proteste en affirmant que la vérité ne se trouve pas dans les objets, mais dans les liens qui les rapprochent les uns des autres. L’artiste reconnaît la vérité dans la beauté qui s’en dégage. Un autre la perçoit quand le dire et le faire sont ajustés l’un à l’autre, quand un homme ou une femme se tient debout, dans la transparence, sans duplicité.
Qui a raison? Qui a trouvé la vérité? Le savant n’a peut-être pas tort. Les propos du philosophe et l’oeuvre de l’artiste ne sont peut-être pas faux. Mais la vérité les dépasse. La vérité est toujours en avant, toujours au delà. Nos découvertes, si importantes soient-elles, se rapprochent de la vérité, mais ne l’atteignent pas totalement. À première vue, elles peuvent nous paraître définitives, mais à les contempler, nous découvrons vite qu’elles sont davantage des chemins qui nous invitent à aller plus loin. Poursuivre la quête, forer davantage le puits, creuser la mine. Les grands savants, les philosophes érudits, les artistes accomplis se croient les plus ignorants de la terre. Ils soupçonnent que ce qui leur reste à découvrir est autrement plus vaste que les connaissances qu’ils ont déjà acquises.
La vérité ne se possède pas; elle se cherche. Nous ne pourrons jamais clôturer son domaine. La vérité est mystère. Elle se dit, mais les mots ne peuvent la contenir totalement. Vous croyez la tenir, mais elle s’échappe et appelle ailleurs. Vaste comme l’infini, elle se loge pourtant au plus intime de nous-mêmes. Inaccessible et pourtant si proche.
«Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité», dit Jésus à Pilate. De qui parlait-il? De Dieu? De nous? Peut-être des deux. Peut-être de l’alliance entre les deux. Dans l’espérance qu’ils ne fassent plus qu’un!