Ces jours-ci, un journal (Le Journal de Montréal du mercredi 16 novembre 2000) publiait un article sur la chirurgie esthétique. Dorénavant, si vous avez beaucoup d’argent, vous pouvez vous offrir le corps de vos rêves. Vos biceps laissent à désirer? Rendez-les fermes avec un coussinet de silicone. Vous avez le postérieur plutôt flasque? Faites-le rebondir en lui insufflant un peu de plastique. Redonnez-vous les mollets de vos vingt ans. Bref, faite-vous sculpter le chef d’ouvre du siècle! Devenez la huitième merveille du monde!
On peut presque tout faire maintenant avec le corps humain. Concevoir un enfant et lui donner naissance, c’est devenu presque banal, pensez-vous. Aujourd’hui, on vous refait à neuf comme on requinque une vieille bagnole. On peut même vous cloner pour vous permettre d’être admirés à profusion grâce à ce qui s’apparente à de l’ubiquité.
La chose peut faire sourire. Au moins ceux et celles qui se sont résignés à la décrépitude de leurs chairs. Ou qui s’acceptent comme ils sont. Ou qui ont d’autres rêves. Mais pourquoi nous surprenons-nous un jour ou l’autre à désirer avoir un corps parfait? D’où nous vient ce besoin de la perfection esthétique? Ce besoin, d’ailleurs, ne se limite pas à notre corps. Nous voulons aussi nous donner une belle personnalité. Nous cherchons à acquérir une culture harmonieuse. Nous désirons une vie spirituelle parfaite. Bref, nous poursuivons l’excellence en tout. Pourquoi?
Derrière une telle recherche, il y a simplement le désir d’attirer l’attention, d’être reconnu, d’être aimé. Nous n’y échappons pas. C’est même habituellement un signe de santé. Il n’est que normal de vouloir faire sa place parmi les autres. Il est tout-à-fait justifié de souhaiter que les autres nous aiment. Nous en avons besoin pour vivre. Quiconque se sent rejeté sombre dans la tristesse et peut même souhaiter disparaître. À quoi bon vivre sans reconnaissance?
Mais entre le légitime besoin d’être aimé et l’idolâtrie de soi-même ou le narcissisme, il y a une grande marge. L’égocentrisme et le culte de soi ne permettent pas des relations de qualité avec les autres. L’amour ne peut circuler à son aise. Il est bifurqué vers soi qui devient l’unique pôle d’attraction. Il y a des recherches de perfection qui sont maladives au point qu’elles paralysent la véritable perfection.
Ne serait-ce pas mieux de laisser Dieu continuer son oeuvre en nous? Ne serait-ce pas préférable de laisser le créateur poursuivre notre perfectionnement? Nous laisser modeler par lui, accepter son rêve sur nous plutôt que de nous accrocher à nos rêves à nous? Cela ne signifie pas que nous ayons à demeurer passifs dans la croissance de notre être. Nous apportons notre collaboration. Nous contribuons à notre propre développement. La création de notre être est un travail d’équipe entre Dieu et nous. Nous faisons les pas qui nous reviennent, et Dieu les siens.
Mais Dieu reste le maître d’ouvre. Et c’est tant mieux pour nous. Une telle perspective nous garde dans la liberté et l’ouverture. Et cette liberté comme cette ouverture sont, sans aucun doute, ce qu’il peut y avoir de plus beau et de plus aimable dans un être humain. Plus beau encore que le corps le mieux modelé de l’univers.